Décryptage. Comment une règle de 1997 a changé à jamais la stratégie des touches ?
Aujourd'hui à 01:40 PM
Aux origines du rugby, la touche consistait à attraper un ballon lancé entre deux alignements, lancé généralement par le demi de mêlée. Le sauteur devait l'attraper, sans soutien ni lifts, en s'aidant seulement de sa détente, de sa taille, voire quelques astuces plus ou moins légales. La touche a bien changé depuis cette époque, plus particulièrement depuis 1997, lorsque les lifts ont été officiellement autorisés pour aider les sauteurs. Une décision qui a permis de fluidifier le jeu, en donnant une base bien plus efficace pour permettre aux lignes arrières d'effectuer leurs lancements. Cette phase de jeu a beaucoup évolué par la suite, avec des combinaisons toujours plus innovantes. On pense notamment aux Gallois qui avaient réalisé une touche avec 15 joueurs, lors d'un match contre les All Blacks. Ces mêmes Néo-Zélandais qui avaient surpris le XV de France, pendant la finale de la Coupe du Monde 2011, avec un essai malicieux du pilier Tony Woodcock, après un magnifique mouvement. Moins de défense aérienne en touche ? Pour éviter de se faire prendre sur ce genre de combinaison ou directement sur des mauls, des équipes choisissent de défendre seulement au sol. C'est surtout le cas face à des équipes dominantes dans ce secteur, afin de pouvoir opposer plus de résistance en poussant plus rapidement ou en écroulant directement le maul à sa création. La pression mise à la retombée du sauteur permet d'éviter de concéder des occasions franches d'essais. Le club de La Rochelle s'est distingué dans ce secteur, avec le puissant Will Skelton qui se charge souvent de détruire le groupé pénétrant adverse de cette manière. Ne pas défendre la touche en l'air permet aussi d'obtenir un premier rideau défensif plus dense, avec des joueurs de l'alignement (fréquemment des troisièmes lignes), qui peuvent se détacher rapidement pour aider leurs trois-quarts. La montée défensive de ces avants se concentre principalement sur la charnière adverse, en cas d'inattention des adversaires. Ce fut le cas avec les Wallabies, qui ont oublié de protéger leur demi de mêlée Tate McDermott face aux avants All Blacks à 5 mètres de leur propre ligne d'en-but. Une erreur sanctionnée par un gros plaquage de Scott Barrett, menant à l'essai du troisième ligne Shannon Frizell. L'option fétiche des intentions Pour rappel, les touches qualifiées « d'intentions », représentent les touches captées directement par un sauteur, sans feinte de saut. Ces touches semblent souvent les plus simples, car il n'y a pas de mouvement, mais le timing doit être parfait entre le lanceur et le sauteur pour attraper le ballon pile au bon moment. Il s'agit de touches très difficiles à défendre face à de grands sauteurs réactifs, puisque le léger retard par rapport au saut adverse permet à l'équipe qui attaque de remporter son duel. Pour faire face à ce type de touches, les défenseurs peuvent décider de ne pas sauter et de défendre au sol. Mais selon leurs profils de joueurs (avec des sauteurs comme Esteban Abadie, Arthur Iturria ou Florian Verhaeghe), des équipes décident de tenter le contre aérien. Ce qui offre deux possibilités : défendre en miroir en imitant son vis-à-vis, ou une défense en blocs, en occupant des zones précises de l'alignement. Des choix qui dépendent en grande partie de la réactivité des joueurs et de la qualité du lanceur adverse. Si l'époque des touches sans lifteurs avec un demi de mêlée qui lançait est désormais bien loin, cette phase de conquête a grandement évolué dans le secteur défensif. Des équipes décident de basculer en grande partie vers une défense au sol, laissant la possession à l'adversaire pour mettre plus de pression à la retombée du sauteur et sur la charnière. Une modification également due à l'importance des touches en intention pour les équipes professionnelles. Si l'on ajoute à cela la règle des 50/22, qui permet aux équipes d'obtenir plus d'opportunités de faire des mauls dans le camp adverse, cette tendance peut s'accentuer dans les années à venir.